Shen
La voie céleste.
Il faisait chaud dans la petite clairière australienne, malgré le cours d’eau qui courrait paisiblement à l’ombre des grands arbres.
Les deux garçons saluèrent, leur poing gauche fermé reposant dans la paume de leur main droite. Ils étaient revêtus d’un kimono rouge ceint par une ceinture noire. Tous deux étaient de grande taille pour leur âge.
En face de ces enfants, se tenait un chinois habillé d’une veste blanche et d’un pantalon de kimono noir. Massif, il était droit, parfaitement aligné sur son axe.
- Hier vous aviez huit ans… Aujourd’hui, les garçons, nous allons commencer l’apprentissage des bases du Liuhe Bafa Chuan. C’est le deuxième plus ancien art martial chinois.
Ils l’écoutaient très attentivement, dans leurs yeux brillaient une profonde admiration et un grand enthousiasme.
- Liuhe Bafa Chuan signifie, boxe des six unions et des huit méthodes, aussi appelés les huit lois de l’univers. C’est un art très ancien qui a été dévoilé il n’y a que quelques décennies. Avant, il n’était enseigné qu’à des moines à l’intérieur des temples. À l’opposée de ce que je vous ai appris jusqu’à présent, cet art martial est un art interne. Il a une dimension triple, elle est martiale, médicale et spirituelle. Dans le passé cet art était aussi désigné sous l’appellation de Boxe de l’eau. Il fit une pause, paraissant se remémorer un évènement, puis se remit à parler. Cette technique ambitionne de rendre son pratiquant aussi fluide que l’eau, en copiant son flux et son reflux, par l’emploi de mouvements des hanches qui conduisent les déplacements, les esquives, les parades et les coups.
Le chinois remarqua le tortillement caractéristique de l’enfant blond. Il correspondait à son état quand il avait envie de parler.
- Je t’écoute, dit-il avec bienveillance.
- C’est le meilleur art martial qui existe ?
Il sourit intérieurement.
- Ce n’est pas l’art qui va déterminer la qualité du combattant, c’est le combattant qui va tirer le meilleur parti de son art. Le pratiquant élève l’art. L’art n’est rien par lui-même.
- Alors pourquoi nous enseigner celui-ci plutôt qu’un autre ?
- Parce qu’il convient de pratiquer par étape. Dans quelques années, je vous enseignerai le Hoa Linh Bac Tru Quyen, le Wan Yuen Yut Hei Jurng et le Tsénia… Pour ne parler que des principaux.
Les deux garçons semblaient perplexes.
Le chinois débuta une série de mouvements lents. Ils l’observaient, parfaitement concentrés sur ses déplacements, la position de ses appuis et le mouvement de ses hanches qui guidait les figures que ses bras dessinaient dans l’air.
Quand il eu fini, cinq minutes plus tard, il les regarda avec un léger sourire.
- À vous !
Les garçons le saluèrent et se mirent à reproduire à la perfection la centaine de mouvements qu’il venait d’effectuer.
- Vous avez parfaitement mémorisé cet enchainement. Il ne vous manque plus que la pratique de celui-ci. Pendant une année entière, chaque jour, vous le reproduirez 10 fois. Je vous apprendrez la deuxième forme d’ici à quelques semaines.
Ils acquiescèrent.
- Nous explorerons ensemble le Neidan qui accompagne la Boxe de l’eau. Si un jour vous êtes blessés, votre guérison sera grandement accélérée par ce que vous apprendrez. Il en est de même pour certaines qualités spirituelles que vous ne manquerez pas de rencontrer durant votre pratique de cet art. Soyez constants dans vos exercices, je vous y engage.
Les deux enfants saluèrent. Il les salua en retour en souriant légèrement.